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Pensées

Twitter ou la culture de l’effleurement

Mais peut-on parler de « mérite » ?

Si Twitter a commencé avec 140 caractères avant de passer à 280 en novembre 2017, il n’en reste pas moins que parmi tous les réseaux sociaux, il est celui qui est le plus limité. Il est bien possible de créer des threads mais cela n’empêche que la limite que le tweet impose favorise le message court. D’ailleurs malgré l’augmentation du nombre de caractères, les messages se sont révélés être plus courts en moyenne1 ce qui est l’indicateur d’une tendance.

EFFICAcité

Avec une telle tendance, il est vite vu que sont privilégiés l’efficacité et la simplicité. Il est vrai que dans un certain cadre cela peut avoir un vrai intérêt notamment de l’actualité ou de simples affirmations. Mais le cœur du problème se situe dans l’expression d’une opinion. Une opinion par définition est une « manière de penser sur un sujet ou un ensemble de sujets, jugement personnel que l’on porte sur une question, qui n’implique pas que ce jugement soit obligatoirement juste » (CNRTL). « Un jugement personnel » pour moi implique une argumentation et par conséquent un développement du point de vue qui est exprimé. Sinon il n’est considéré que comme un ressenti et cela est très différent car celui-ci se base essentiellement sur ce qui nous emplit à l’instant présent. Sur Twitter le format tend à faire court et met en avant le principe d’efficacité. Il faut être efficace pour impacter, efficace pour toucher, efficace pour aller vite. L’argumentation disparaît au profit d’une opinion mise à nu, ce qui la met au même niveau qu’une affirmation et cela est dangereux. Les gens ont le droit d’acquiescer ou non mais ne peuvent le faire qu’en se basant sur leur propre expérience, leur ressenti actuel et cette opinion qui leur est offerte.

« Opinion = Affirmation »

La culture de l’effleurement

Privilégier l’efficacité c’est aussi devoir supprimer la nuance dans son propos, c’est avoir un avis tranché, c’est ne donner lieu qu’à l’expression d’une émotion subjective sans une prise de recul préalable. Donner une opinion tranchée peut être intéressant dans le cadre d’un débat où tout le monde peut s’exprimer clairement avec une envie d’argumenter chacun de ses propos et que chacun puisse vraiment prendre le temps de clarifier son point de vue. Dans ce cas-là, elle devient plus une piste de réflexion que la finalité de cette idée qui est posée. En opposition, sur Twitter, il faut être efficace, il faut être rapide pour pouvoir exprimer une idée, pour pouvoir rendre son idée visible du plus grand nombre. Dans ce cadre là, difficile alors de pouvoir exprimer correctement des propos. Il vaut mieux donner son opinion de manière succincte mais impacter que d’essayer de faire de longs discours dans un thread qui donnera des difficultés au lecteur insatiable mais dont l’attention ne peut être conservée longtemps (l’attention a tendance à être divisée mais je n’ai pas retrouvé un article en parlant). On peut comparer cela à des slogans qui n’ont pour but que d’impacter le lecteur et de le rallier à la cause.

Effleurement

Mais quel est le vrai problème de tout cela ? Après tout les threads ont été créés pour suivre une suite de tweets, les uns à la suite des autres pour ainsi permettre d’étayer son propos, d’y apporter un complément d’information ou même de raconter une histoire. Toutefois comme il a été dit plus haut, les tweets se font tout de même de plus en plus courts. De plus, le format thread n’est, il me semble, pas pratique quand il s’agit de vraiment exprimer une opinion avec des arguments qui doivent être réellement développés. Car vient à celui qui écrit toujours cette limite des 280 caractères qui est à mon sens une atteinte à notre réflexion car quelque part même si nous n’y arrivons pas ou si nous structurons chaque partie dans un thread, nous sommes obligés de penser à cette limite. Celle-ci créé en nous un nouveau mode de pensée et nous oblige à faire des concessions sur la structure et le fond de nos idées.

Vient donc l’idée de l’effleurement. Cette idée vient du fait que Twitter est clairement un réseau social pour des messages courts mais impactant (ceci est une généralité pas une totalité) et cela structure la communauté d’une telle façon qu’elle puisse toujours se nourrir de ces messages (N’oubliez pas que le but des réseaux sociaux, c’est que nous y restions). Pour avoir un message court, un « tweet » il faut oublier la nuance, il faut oublier l’argumentation. Il ne faut plus exprimer son opinion mais affirmer son propos. Car ce que nous ressentons sur le moment a besoin d’être exprimé mais surtout ce que nous ressentons a besoin d’être validé. Vrai ou faux au final, peu importe. La prise de recul et l’approfondissement de nos dires ne sont plus si importants dans cette société qui ne cesse de s’oublier tandis que l’émotion prend le dessus sur la raison.

Effleurer, c’est « entamer légèrement quelque chose » (CNRTL). La culture de l’effleurement, je la définirai par « une culture des sujets de manière légère et peu approfondie » et pour moi la société d’aujourd’hui est en train d’y tomber les deux pieds dedans car abreuvée sans cesse d’informations, celle-ci s’intéresse à tout mais uniquement en surface. Cet effleurement de plus en plus problématique nous guide vers une vérité uniquement basée sur notre ressenti. Le ressenti, tout comme l’effleurement ne sont pas des mauvaises choses en soi. Quand nous sommes des enfants, ils nous sont mêmes essentiels afin de pouvoir grandir correctement. Mais une fois que nous sommes bien formés, ils deviennent des concepts loin de se suffire à eux-mêmes. C’est pour cela que s’intéresser à un sujet revient à étudier ce sujet et non à seulement y prendre des informations choisies partialement. Après tout, un étudiant qui sera devenu un expert en son domaine ne peut pas rejeter une partie de ce dans quoi il travaille sinon il se fermerait à une partie de sa connaissance et n’aurait donc qu’une vérité partielle de celle-ci.

Pour résumer, le ressenti est un fruit qui a besoin d’être planté dans la réalité afin d’obtenir des preuves. L’effleurement est à proscrire et l’approfondissement doit être systématique.

(Pour information la culture de l’effleurement n’existe à proprement dire pas mais j’avais besoin de poser un mot sur un phénomène que je vois de plus en plus au sein de notre société, c’est pourquoi j’ai pris le parti de parler d’une « culture de l’effleurement »)

1https://www.blogdumoderateur.com/twitter-impact-passage-280caracteres

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