Le titre semble plein d’arrogance. Et il est vrai que le fait même d’exprimer la supériorité d’une personne sur une autre peut s’apparenter à une forme arrogante de comparaison. Toutefois, être arrogant et se sentir supérieur aux autres sont loin d’avoir la même signification. Si l’arrogance se définit par « la manifestation à l’égard des autres d’un orgueil méprisant » (Larousse), le sentiment de supériorité à une personne, un groupe voire au monde entier, allons-y, lui, n’est pas forcément mû par de mauvaises intentions. Argument difficilement recevable, n’est-ce pas ? Et bien, c’est ce que je vais vous expliquer.
Reconnaître que nous sommes au-dessus…
Avant tout, définissons l’expression « être le meilleur« . Car la supériorité s’exprime clairement dans le fait d’être meilleur que quelqu’un d’autre. Si le mot « meilleur » est le superlatif de bon, il s’avère que l’expression « être le meilleur » d’après le CNRTL est définie par « Personne, chose qui a le plus de qualités possible en son genre, qui correspond au mieux à un certain code de valeurs. » Néanmoins, ce n’est pas exactement ce que nous recherchons. En effet, l’expression « être le meilleur » utilisée sous-entend en réalité la conjonction « que » et ne correspond pas à la définition ci-dessus. Celle-ci se rapprocherait finalement de la définition première « Qui est d’une qualité supérieure à celle de l’objet comparé« , l’objet comparé étant ici une abstraction. Nous voilà tous sur un pied d’égalité. Dans la suite de l’article j’utiliserais « être le meilleur » pour dire « être le meilleur en quelque chose », ce qui a son importance car nous ne pouvons évidemment pas être le meilleur humain tout court.
En tout cas, il n’est pas mauvais en soi que de reconnaître que nous sommes supérieurs aux autres et ce peu importe l’échelle, de notre entourage à la Terre entière. L’honnêteté de le reconnaître pour nous-même est une force galvanisante dans la vie car l’accomplissement est un véritable moteur pour nos efforts quotidiens. La finitude d’une tâche nourrit la volonté à aller plus loin que là où nous n’avons jamais été. Et devenir et être le meilleur peut être comme un accomplissement. Car évidemment, personne ne s’élève d’un claquement de doigt. Cela demande des efforts, plus ou moins ardus selon l’échelle visée et l’action à réaliser, ainsi que des sacrifices. Dés lors, la sensation après l’avoir réalisé est d’autant plus grande que l’effort pour y parvenir a été important.
Nous sommes par conséquent tout à fait légitimes de nous sentir supérieur dans une quelconque œuvre que nous aurions mené au bout. Garry Kasparov était le meilleur joueur d’échecs et il lui était donc totalement légitime qu’il se sente le meilleur. Tout comme Tiger Woods au golf ou Bill Gates avec Microsoft, toute personne ressentant ce qu’elle a réalisé comme grand peut-être légitime à se penser comme le meilleur dans sa discipline.
Garry Kasparov était le n°1 aux échecs.
… Mais ne pas aller trop loin
Pourtant, si nous pouvons reconnaître que nous sommes supérieurs, l’expression de celle-ci peut-être sujette à bonne ou à mauvaise interprétation. En conséquence, il est nécessaire de juger de la situation avant d’exprimer de tels propos, cela pouvant avoir des effets néfastes sur l’entourage. En effet, dire « je suis le meilleur » à quelqu’un qui pratique la même discipline que vous ne risque pas forcément de vous aider ou d’aider la personne à laquelle cette phrase est adressée. A première vue, cela semble même plutôt être le contraire. La comparaison est donc toujours délicate et le complexe d’infériorité qui peut naître chez la personne ciblée peut nourrir des émotions négatives qui n’avancent à rien sinon des attitudes conflictuelles. Et c’est pour cela qu’entre en compte le caractère de l’humilité. Parce que cette prise de conscience ne doit en aucun cas nous emmener à utiliser cette force pour enfoncer les autres.
Bien sûr, s’exprimer sur ce sujet face à un adversaire peut galvaniser et pousser la personne dans ses retranchements tout en créant un phénomène de rivalité positive, qui ainsi fait, va pousser tout le monde à la progression. Néanmoins, pour cela, il faut connaître la personne, son caractère et ses défauts. Cela implique de se mettre à son niveau pour comprendre son point de vue et entrevoir que c’est précisément cette manière de faire qui va entraîner une avancée. Nous en revenons donc à l’humilité dont nous parlions plus haut.
Distinguer l’humilité de l’humiliation.
Toutefois, il est facile de tomber et d’utiliser cette arme comme un moyen d’accentuer une supériorité dont tout le monde avait conscience car prouvée par des faits mais dont l’expression n’était pas forcément nécessaire de par sa nuisance potentielle envers à la fois la personne qui l’exprime et les personnes qui l’entendent. C’est pourquoi il est important de revoir nos intentions lorsque nous nous apprêtons à de tels dires. Ce ne sont aucunement des mots en l’air que nous adressons à ceux qui nous écoutent et si ceux-ci sont emplis de malveillance, ces derniers peuvent amener à la chute voire l’abandon des personnes blessées par ce qui pourra leur paraître aussi tranchant qu’une épée. Il y a donc une véritable responsabilité à distinguer l’humilité de l’humiliation.
Quelles sont ses responsabilités ?
Si la supériorité aux autres peut être considérée comme une fin en soi… Et bien, elle ne l’est pas. C’est le début d’une nouvelle histoire plus prompte à être observée avec admiration… Mais également avec jalousie. Propulsé sur le devant de la scène, mis sur un piédestal, les regards seront tournés vers ceux qui sont au sommet, cristallisant la vision idéale à atteindre. C’est pourquoi il est, sans être réellement voulu, demandé une exemplarité exagérée à ces personnes dont la moindre action pourra être scrutée avec attention. Le moindre faux pas sera amplifié et pourra avoir un impact incommensurablement plus important. Il y a ainsi une certaine pression à être dans cette position et cela peut avoir une forte influence sur la personne la subissant car la résilience, même si dotée d’une force réelle de par la réussite acquise, n’est pas toujours corrélée à la supériorité aux autres. Dés lors, il arrive que cela précipite la chute et malheureusement, il est souvent très compliqué de s’en relever.
Car il est nécessaire de le préciser mais avant d’être des Hommes qui excellent, ils sont d’abord des Hommes. Et comme l’histoire l’a maintes et maintes fois prouvé, l’Homme est loin d’être parfait et ne cesse de tomber au travers des obstacles qu’il rencontre au cours de sa vie. Ce n’est donc pas une capacité supérieure à celle des autres qui suffira à gommer cette caractéristique humaine. Soyons clair, l’Homme sera jusqu’à la fin en apprentissage et cela impliquera en tout temps des erreurs. Il faut en conséquence relativiser et ne pas oublier que leur place n’est pas sur une cime à nous regarder tel Dieu mais qu’elle est avec nous à regarder le ciel telle l’humanité.
Ne pas oublier que leur place n’est pas sur une cime à nous regarder tel Dieu mais qu’elle est avec nous à regarder le ciel telle l’humanité.
Malgré tout, ces épreuves permettent de développer une forme de résilience et ceux parvenant à s’élever au-dessus de tout cela pourront obtenir une force supplémentaire. Ils inspireront durablement et seront capables d’affronter des obstacles encore plus grands tout en tendant la main à ceux qui voudront les suivre sur ce chemin sinueux.
Inspiration
Et oui. Les meilleurs entraîneront toujours une constellation de personnes prêts à poursuivre cet idéal. Emplis d’ambition et de rêve, l’existence physique de cet idéal rend à leurs yeux la possibilité de parcourir le même chemin et d’égaler voire surpasser ce qui pourrait de prime abord paraître inatteignable. Et c’est en cela également que la supériorité a un intérêt car elle est créatrice de leaders. Il y a ceux qui vont concrètement aider les autres à suivre leur voie et il y a ceux dont les actions vont se suffire à elles-mêmes pour guider ceux cherchant leur chemin. Dans tous les cas, le phénomène crée une inertie positive et la tendance devient exponentielle dés lors que chacun à son échelle insuffle à son tour cette inspiration. Ainsi le mouvement perdure à travers les âges et la flamme d’une volonté finalement commune à tous ceux l’ayant porté ne cesse de croître.
Être le meilleur signifie aussi passer le flambeau.
Conclusion
En somme, soyons les meilleurs. Cette volonté qui nous anime à toujours aller plus haut est comme une toile tissée à travers les siècles. Celle-ci nous entraîne dans son sillage et une fois à l’intérieur, elle ne nous lâche plus. A nous de voir désormais, jusqu’où nous pouvons aller et visons le sommet afin que le rêve derrière la cime continue à perdurer au travers de nos futurs et entraîne avec lui de nouveaux aspirants.
Être supérieur aux autres est une force et non une faiblesse. Mais la véritable supériorité se situe dans la capacité à faire preuve d’humilité en conscience de cette force.