Je n’aime pas les gens. Voilà quelque chose que je me suis souvent dit pour pouvoir faire face au regard des gens de l’extérieur. Une hostilité qui vous met à nu dans une foule à perte de vue, qui vous observe et ne vous voit pas, des âmes rongées par l’individu disparaissant dans un nihilisme, sous l’égide d’une pensée qui s’uniformise. « Finalement, ils sont tous pareils » , me disais-je.
J’ai bien essayé de leur ressembler et j’ai failli me perdre dans mes contradictions. Mais remettons les événements dans leur contexte. Dans une période tumultueuse, le divertissement était à la fois mon meilleur ami et mon pire ennemi. Il m’emmenait dans une joie intense en même temps qu’il m’éloignait de la personne que j’étais ou que je devais vraiment être. Néanmoins, les années passèrent et cette joie qui devait sans cesse être renouvelée avait fini par me lasser. Une impression de répétition s’installait alors que la vacuité de ces actions se révélait à moi. Était-ce réellement là-bas que je voulais être ? M’oublier par le biais de ces sourires factices qui ne cessent de vouloir se nourrir d’eux mêmes à travers des actes dont la profondeur était égale au néant ? Être avec des gens dont je ne connaissais finalement rien, ni la vie, ni leurs problèmes et dont la contenance du lien n’était que pure superficialité ? Une complaisance malsaine qui me menait à ce dilemme permanent entre la sûreté et le confort d’un lien qui ne se base que sur la part que les personnes veulent bien vous montrer et le vide d’une potentielle solitude qui vous plongerait dans une inquiétude absolue.
Trancher
Moi, j’ai fini par couper tous ces liens. Et étrangement, je n’ai pas ressenti un vide comme attendu. Non, au contraire cela ressemblait plus à une libération. Une libération qui m’a permis de revoir cette personne que j’étais. Une personne qui se cherche, pleine de lacunes et imparfaite mais une personne qui peut enfin se voir à travers le prisme de ses défauts. Une personne qui peut enfin revoir son reflet dans le miroir. Revoir cette mise en abyme de soi-même. Retrouver la sensation que peut donner la remise en question ou la prise de recul. Et se remettre à évoluer.
Trancher les liens, cela peut être compliqué.
La vraie valeur
Je n’aime pas les gens. Quelque part, je ne sais pas si je me suis totalement débarrassé de ce que cette affirmation implique. Le monde m’insupporte et me fait suffoquer de par sa constante dégradation. Où que nous allions aujourd’hui, le mal est toujours présent et l’impression d’avoir en permanence une épée de Damoclès au-dessus de ma tête se fait ressentir. Toutefois, tout n’est pas noir. La séparation m’a amené à mieux comprendre la véritable valeur d’un lien avec une personne.
C’est vrai, il est impossible de comprendre totalement une personne de par ce qu’elle a vécu, car elle n’aura jamais eu la même vie que nous. Et même si c’était hypothétiquement le cas, le fait est qu’elle en aurait eu une vision et une interprétation différente de la nôtre, ce qui nous aurait toujours amené à une dissonance lorsqu’il y a une tentative d’accord. Mais il ne faut pas nécessairement abandonner. Certaines dissonances s’accordent ensemble aussi bien que ceux qui se ressemblent s’assemblent. Voilà la réalité de la vie. Il n’y aura pas de relation qui ressemblera à une autre ou de personnes qui seront notre parfait miroir, néanmoins, il y aura une constellation d’étoiles autour de nous qui pourront supposément constituer une part de nous-même.
En accord dans la dissonance ?
Évidemment, il y aura des astres plus brillants que d’autres dans notre galaxie et c’est tout à fait normal. Pourtant, il n’y a pas de demi-mesure à avoir dans la matérialisation de ces liens. Créer un lien et le conserver, c’est l’entretenir à travers le prisme de la vérité. Et cela peut être aussi complexe que la réalité peut faire mal. Mais c’est cela, le véritable lien, accepter les qualités et les défauts de chacun et s’exprimer lorsqu’il y a une dissonance malgré la difficulté dans l’expression de celle-ci. Et cela, d’autant plus que la personne est proche de nous. Car la proximité augmente exponentiellement l’impact et de facto les conséquences sur la personne visée. C’est pourquoi c’est paradoxalement les gens avec qui vous vivrez au quotidien qui vous créerons le plus de conflits. Mais c’est également cela qui vous mènera aux liens les plus forts. Car au-delà de la cime vient toujours la lumière. Parvenir à un consensus clair après un désaccord est ce qui nous entraîne obligatoirement à l’évolution.
Toujours chercher plus loin
Je n’aime pas les gens. Au final, je ne pense pas que cette affirmation est le véritable fond de ma pensée même s’il a pu l’être fût un temps. Aujourd’hui, il reste des résidus de frustration en moi inhérents aux liens que les gens peuvent avoir entre eux dans la fresque actuelle. Et cela est d’autant plus vrai et ancré en mon âme que j’ai déjà vécu cette situation, ce qui fait de mon cas une jurisprudence qui peut m’émouvoir dès lors que je la vois transposée à d’autres. Je souligne quand même qu’il est vrai que cela n’est peut-être pas une généralité. Pour cela, je vous laisse faire le constat par vous-même. Néanmoins, aller chercher une certaine profondeur dans une relation est un acte qui va demander un effort considérable, et comme vous le savez, l’Homme est souvent avare en effort. Parce que s’il faut bien comprendre une chose, c’est que nous ne devons pas nous contenter de ce qui nous plaît mais plutôt réfléchir à ce qui peut nous élever. Et dans ce contexte là, nous pouvons rapidement nous rendre compte, avec du recul, de ce dont nous cherchons prioritairement.
Conclusion
Il est facile de tomber dans le désir, et moi le premier, dès lors que nos actes dépassent à notre raison. Et quand nous comprenons la véritable teneur des liens qui nous relient, c’est là également que nous comprenons qu’une partie doit en être coupée. Cela semble radical de prime abord, pourtant il ne faut pas s’accrocher à tout prix à un fil ténu que nous tenterions de faire subsister par n’importe quel moyen. Il vaut mieux trancher et se reconnecter à quelqu’un d’autre afin de trouver ceux qui nous siéront le mieux. L’expérience est loin d’être une sinécure, je vous l’accorde. Cela peut prendre des années et même parfois une vie. Parfois même, nous finissons par ne plus aimer les gens. Néanmoins, il ne faut pas se décourager. Parce qu’une fois que cela arrive, et il suffit d’une fois, l’étincelle peut se transformer en flamme.
A la recherche de soi-même
Lève-la tête et regarde.
Finalement, toute notre vie, nous allons la passer à vouloir être nous-même. Trouver notre constellation de proches, oui, mais cela pour nous guider vers ce pour quoi nous sommes faits et finalement ce pour quoi nous sommes là. C’est une quête ardue et harassante mais c’est aussi notre quête la plus exaltante.