Pensées

Et si nous ralentissions ?

L’Homme, de tous temps a toujours recherché la performance, l’excellence, le progrès afin de se parfaire, de façonner le monde à son image dans l’optique d’optimiser toujours plus son temps de vie qui, pour beaucoup d’entre nous, semble court. De plus, les aléas, pour ne rien arranger, ont fait que notre vie peut s’éteindre à chaque seconde et vous obtenez ainsi une population dont le but est de participer à une course… Une course contre le temps.

Le résultat de cette mentalité qui nous colle à la peau depuis la nuit des temps nous a ainsi amené à rechercher la vitesse pour atteindre notre but. Et il est vrai que dans l’Histoire, nous avons en effet un nombre incalculable de réussites. Nous avons dépassé nos limites et nous continuons à le faire à un rythme exponentiel. Pourtant, nous pouvons le voir à travers l’actualité, la polarisation du monde, l’environnement et bien d’autres éléments que le monde semble plutôt sur le déclin.

Que s’est-il passé pour que le monde en arrive là ? Et quel est le rapport avec ce besoin irrépressible d’accélérer et de pousser chacune de nos actions à se réaliser le plus rapidement possible ? C’est ce à quoi je vais répondre. Un angle particulier d’analyse qui a une importance non-négligeable dans la fresque actuelle.

Trop vite

Actuellement, beaucoup d’actions que nous réalisons nous semblent acquises et ne nous remettent pas en question. « Cela est normal » nous-dirions nous et nous n’aurions pas totalement tort. Dans le monde entier, la globalité des personnes ira penser comme nous.

Pourtant, si nous regardons derrière comment nous parvenons à la facilité de réalisation de cette action, nous nous rendons rapidement compte qu’il se passe un nombre incalculable de mouvements dans un laps de temps relativement court.

Prenons un exemple grossier pour illustrer notre propos. Le téléphone. Lorsque nous voulons changer ou juste acheter un téléphone, nous n’avons juste qu’à aller sur un site qui permet leur achat et pour les plus rapides d’entre nous, cela pourra prendre moins de dix minutes. Puis nous le recevons quelque jours après. Le service est rapide et efficace, et nous ne pouvons le nier, satisfaisant par cette rapidité et cette qualité de livraison sans que nous ayons besoin de nous déplacer. Pourtant, entre la production, l’achat et la livraison le téléphone pourra avoir parcouru des milliers de kilomètres entre avion et énormes containers qui ont traversé le monde entier.

Le problème ne se poserait pas si cette situation ne concernait uniquement que le téléphone. Mais cela concerne la plupart des produits que nous achetons et utilisons et c’est ce qui engendre la situation actuelle. La duplication de ce processus de livraison est efficace, néanmoins si nous le multiplions par le nombre de produits qui doivent être délivrés quotidiennement, nous nous rendons compte que nous multiplions aussi les ressources utilisées par le même nombre, dépassant largement le temps qu’il faudrait pour qu’elles parviennent à se renouveler. Sans parler des conséquences (écologiques mais également sociales) désastreuses sur l’environnement proche de l’extraction des matières premières qui à cette échelle devient difficilement maîtrisable (allez voir les conséquences ici). Le pétrole pour les véhicules, avions, bateaux, les minéraux, les métaux rares et semi-rares pour les produits manufacturés et d’autres matériaux sont autant de matières qui commencent sérieusement à poser problème au niveau de la destruction des environnements proches des différents lieux utilisés (conception, extraction, fabrication, assemblage) et à un niveau moindre actuellement, de la quantité de ressources restantes.

Un téléphone parcourt une distance incroyable pour parvenir jusqu’à nous.
(Je vous conseille ce site d’où provient ma capture d’écran)

En tout cas, cet exemple démontre cette impression que tout nous est à portée de main et qu’il nous est facile d’obtenir la moindre chose que nous désirerions. Cette instantanéité quotidienne créé un cercle de moins en moins vertueux et pourtant de plus en plus invisible dans lequel nous tombons tous les jours. Est-ce réellement ce que nous voulons ? Il n’a jamais été normal que nous puissions avoir accès à tout en tout temps. Et malgré ce fait avéré, c’est tout de même ce qui est en train de se passer et cela parce que notre désir prend le pas sur notre raison. Que cela soit de la part de ceux qui veulent assouvir le moindre de leurs besoins à ceux qui le leur apportent de l’autre bout de la Terre, tout le monde est fautif.

Décroissance forcée

Malgré tout, aujourd’hui, il est clair que la situation commence à donner réflexion. Du plus simple des citoyens aux plus grandes instances existantes, la question d’un ralentissement commence à s’immiscer dans toutes les têtes. Et ce n’est pas seulement au niveau écologique que la question se pose. Il est également question de ralentir nos rythmes tout simplement parce que cette interrogation se pose : à quoi bon ? A quoi bon aller encore plus vite désormais ? Que cela nous apporte-t-il de plus pour que nous ayons à le faire ? Surtout qu’accélérer encore plus risque de se faire au détriment de certaines choses (ressources, santé voire vies humaines). Il deviendrait une nécessité de réaliser des choix drastiques et cela pourrait amener à des sacrifices pouvant être dramatiques.

Définissons d’abord ce qu’est ralentir tout d’abord. Selon le Larousse, il est défini par « diminuer la vitesse d’un corps en mouvement, rendre plus lent un mouvement, le rythme d’un mécanisme » ou « rendre une action, un processus, un événement moins rapides » ou encore « diminuer la force, l’intensité de quelque chose« . Il s’agit par conséquent principalement d’aller moins vite dans l’action. Le ralentissement en tout cas permet d’élargir le champs de vision, condition sine qua none pour une réflexion saine et complète. Car aller de plus en plus vite, c’est aussi se risquer à avancer avec une vision étriquée voire aveugle et se tromper. De nos jours, c’est ce chemin vers lequel nous tendons, un chemin où nous voyons de moins en moins les intrications de nos actes.

Comme dit précédemment, nonobstant ce besoin d’aller à toute vitesse très présent, la pensée d’un ralentissement fait peu à peu son chemin. Certaines personnes ont pris cette décision d’eux-mêmes et c’est un début encourageant pourtant paradoxalement cela n’est pas une solution viable. Tout simplement car cette habitude dont j’ai parlé plus haut est considéré comme un acquis dans l’inconscient collectif. Par conséquent, il sera très compliqué de changer ce comportement sans l’appui d’un mouvement de taille conséquente ou d’un pouvoir étatique qui de nos jours préférera être conciliant tant que cela lui sera favorable économiquement. Je peux d’ailleurs appuyer cette dernière affirmation sur la réalité qu’aucun pays n’ait réellement entamé de politique de décroissance radicale.

Malgré tout, cet immobilisme va obligatoirement nous amener à ralentir. Nous ne pourrons pas y échapper car sur Terre, rien n’est illimité et notre monde allant toujours plus vite, nous nous retrouverons bientôt devant un mur. Si nous ne prenons pas cette décision, elle finira tout de même par nous apparaître, sans sommation et sûrement avec une violence qui nous mettra en face de nombreux dilemmes moraux. Il est ainsi nécessaire de se demander pourquoi nous voudrions aller plus vite et se poser la question sur ce qui nous est véritablement nécessaire. Cela emmènerait une réflexion et permettrait de choisir sur quels axes continuer à prendre de la vitesse et sur quels axes il faudrait à contrario ralentir.

Je vous conseille d'aller voir ici un début de véritable projet scientifique de décroissance à l'échelle de la France et qui matérialise concrètement ce qui a été dit plus haut. C'est le Shift Project.

Pourquoi voudrions-nous aller plus vite ?

Nous avons beaucoup évoqué le monde physique et ce qui était engendré par cette course infernale réalisée par l’Homme. Mais tout cela au final ne provient que de nous-mêmes et de nos comportements. Plus haut, nous avons parlé des besoins de l’Homme qui avaient sans cesse besoin d’être assouvis. Pourtant, la réalité va beaucoup plus loin que cela. Nous sommes de par notre nature insatiables. Ce que nous n’avons pas, s’il nous est donné, nous le prenons. Ce que nous désirons, nous faisons tout pour son obtention. Sans réflexion, nous n’avons aucune limite. Et sans raison, nous allons toujours vers notre désir.

Pour répondre à cette problématique, nous devons donc prendre du recul. Être capable de creuser chaque action que nous réalisons. Regarder les réelles conséquences de nos actes et aller jusqu’au bout de notre raisonnement. Ne pas avoir une connaissance incomplète mais rechercher les tenants et les aboutissants de nos actions et de nos croyances. Cela va indirectement impliquer un ralentissement de nos actions et une période beaucoup plus longue en recherche, en recoupements et en observations. Néanmoins, à long terme, cela sera beaucoup plus rémunérateur en termes d’acquisition de connaissance (plus de temps passé = élargissement de la vision) et cela nous permettra de prendre chaque décision avec un éventail de possibilités travaillé profondément sous l’égide des conséquences découvertes.

Nous pouvons d’ailleurs faire une analogie avec l’allégorie de la caverne de Platon. Nous avons été prisonniers de nos fausses croyances qui n’ont jusque là été que des ombres projetées par des marionnettistes à travers un feu. Un jour, nous nous sommes forcés à sortir de la caverne de par la volonté à découvrir la vérité et celle-ci s’est trouvée être tellement éblouissante qu’elle nous a fait d’abord souffrir. Au bout de quelques temps, pourtant, cette dernière nous a tellement enseigné qu’une fois découverte, nous nous sommes mis à agir. En rétablissant nos comportements en fonction de cette vérité et en partageant cette connaissance acquise à l’humanité, nous tenterons de changer l’inertie entraînée par ces idées fausses ou incomplètes. Ce sera un combat de longue haleine et l’allégorie le dit clairement, certains de ceux ayant vu la vérité resteront dans la caverne par la peur de perdre leur confort ou par l’écrasement total de leur opinion par le reste du monde. Clairement, ce sera loin d’être une voie facilitée.

Allégorie de la caverne de Platon.

Cela montre à quel point changer des acquis est compliqué car cela doit venir d’une volonté propre. Il faut vouloir cette profondeur dans notre recherche de la vérité et ce n’est nullement facile d’avancer entre le confort de l’ignorance qui nous tend les bras et la difficulté à atteindre notre but. Le temps pris également pour y arriver peut être décourageant si nous pensons au temps que nous aurions gagné à rester dans notre zone de confort. Malgré tout, la récompense en vaut largement la peine si nous regardons le potentiel de notre œuvre. D’un côté, un chemin vers une mort prématurée de l’humanité et de l’autre une étincelle qui a le pouvoir de l’embraser toute entière vers un chemin de lumière.

Conclusion

Malgré ce qui a pu être dit, la vitesse est loin d’être inutile. Utilisée à bon escient, elle permet une redoutable efficacité dans nos réflexions et nos actions. Néanmoins, celle-ci doit être contrainte par l’éthique et la morale afin d’obtenir un résultat qui ne se retournerait pas contre l’humanité dans le futur. Car actuellement, nous ne devons plus nous arrêter à une pensée individuelle. Nous ne devons plus être guidés par le sensible et rechercher le confort à tout prix. Chaque action que nous réalisons est peut-être réalisée également de l’autre côté du globe. Multipliée à l’échelle terrestre, cela peut donner des millions voire des milliards de duplications de nos actions et ce chaque jour voire chaque seconde. Il est donc nécessaire d’avoir une pensée globale sur nos actions dans le but de limiter notre impact négatif sur le très long-terme et créer un mouvement suffisamment impactant afin d’avoir un réel effet sur notre monde. Étendre notre réflexion et ralentir ce rythme frénétique nous poussant à l’action sans recul, voilà de quoi sera fait notre avenir.

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