Série Animation

The Civilization Blaster

The Civilization Blaster ou Zetsuen No Tempest (絶園のテンペスト) est une série d’animation qui a été produite par le studio Bones entre Octobre 2012 et mars 2013. Au vu de la renommée du studio (Fullmetal Alchemist: Brotherhood, Noragami, My Hero Academia, Mob Psycho 100), il est assez étonnant de voir cette série non-licenciée. Difficile ainsi de la regarder dans des conditions correctes sans passer par des moyens détournés, ce que je regrette. Car non-dénuée de qualités, elle est aussi terriblement actuelle dans les thèmes qu’elle aborde non sans une profondeur rafraîchissante.

C’est propre

En termes d’animation, seul l’épisode 1 est véritablement là pour montrer l’étendue technique du studio. Le studio Bones s’en donne à cœur joie et impressionne par la fluidité du combat. Ce qui est d’autant plus étonnant que l’animation soit de bonne facture, c’est que finalement elle n’en soit pas son cœur. Car oui, le combat n’est pas ce qui est le plus mis en avant. La violence est toujours là pour souligner le propos mais elle n’est pas réellement une fin en soi, venant surtout servir les véritables joutes qui sont verbales. Le rythme est donc bien maîtrisé, chacun de ses éléments venant tour à tour sans prendre le dessus sur les autres. S’il y a, il est vrai, une partie plus monotone vers la fin, celle-ci trouve sa place comme le calme avant la tempête dans une histoire où nous n’avions, il faut le dire, pas forcément le temps de souffler. Ainsi, chaque élément parvient à trouver sa place naturellement.

L’épisode 1 est une démonstration technique.

Michiru Ōshima

Je voudrais faire une mention spéciale à Michiru Ōshima qui est la compositrice de la bande originale de The Civilization Blaster. Je ne la connaissais pas et pourtant elle a un historique très impressionnant. Elle a composé pour de nombreuses œuvres notamment la première série de Fullmetal Alchemist (OST que j’avais apprécié par ailleurs), mais également d’autres œuvres très connues comme le jeu-vidéo ICO , la série d’animation The Tatami Galaxy (Masaaki Yuasa) ou encore plus récemment pour Star Wars Visions.

En tout cas, j’ai réellement apprécié la bande-originale de Zetsuen No Tempest. Michiru Ōshima parvient parfaitement à capter l’ambiance qui s’échappe et à la retranscrire à travers sa musique. Si nous ressentons toujours le style impressionniste et contemplatif propre aux Japonais (qui se sont bien sûr inspirés des Français à l’origine), il y a une volonté claire d’y apporter des sonorités plus occidentales afin de donner un effet théâtral et dramatique collant ainsi parfaitement à l’œuvre. Cela va venir renforcer chaque action et exacerber l’émotion qui en ressort, permettant ainsi à l’œuvre d’être indissociable de sa bande-son.

Zetsuen No Tempest ne serait-elle finalement pas une pièce de théatre ?

Un des marqueurs de Michiru Ōshima visible à travers ses orchestrations est son utilisation prépondérante des instruments à vents et c’est à cela que je pourrais l’identifier. Tantôt en soliste, tantôt en chœur, ceux-ci viennent la plupart du temps souligner cette atmosphère instable et ce dilemme permanent auquel nous assistons. Évidemment toutes les orchestrations sont magnifiques et les instruments à corde frottées ont également une place très importante au cœur de la bande originale mais si je dois retenir un élément dans ce que nous a offert Michiru Ōshima, c’est bien son travail sur les instruments à vent, qui est pour ma part, inspirant, car faisant moi-même de la musique.

Le temps est disloqué

The Civilization Blaster est donc une histoire avec deux protagonistes: Mahiro Fuwa et Yoshino Takigawa. Mais plus globalement, l’histoire part d’un personnage et plus précisément d’un événement qui est la mort de cette personne: Aika Fuwa. Sœur de Mahiro et amante de Yoshino, elle s’avérera être le point de départ du déroulement de l’aventure et de l’évolution de nos personnages.

Car avant que cela arrive, Mahiro et Yoshino avaient une vie somme toute normale. Une vie tellement normale qu’elle en obstruait leur vision pour le futur. Tellement normale qu’elle les avait jusque lors plongé dans un nihilisme patent, sans but, sans objectif.

Le temps est disloqué. Ô destin maudit, Pourquoi suis-je né pour le remettre en place !

Hamlet, William Shakespeare

Et finalement, cela pose question: un monde sans adversité, sans difficulté donnerait-t-il un sens à nos vies ? Pourquoi vivrions-nous si des notions comme l’effort, l’abnégation ou la volonté n’existaient plus ? Nous ne connaîtrions pas la valeur de notre propre vie car celle-ci ne se confronterait à rien et ne pourrait se remettre en question. Nous errerions ainsi sans but jusqu’à notre mort sans comprendre pourquoi nous étions ici.
Et si l’Homme n’en est pas à cette extrémité, il s’avère tout de même que la tendance nous mène à une déconnexion du réel et une vie modelée par nos propres paradigmes arbitraires et insensés. Le sens disparaît au profit de nos désirs et cela nous pousse pas à pas vers un chemin dont nous ne connaîtrons plus ni la direction ni le but. Jusqu’à la mort d’Aika, Yoshino et Mahiro étaient inconsciemment sur ce sentier. Leur vie leur suffisait et ils n’avaient pas réellement cette nécessité d’approfondir pour avancer. Mais une étincelle a suffi pour faire rejaillir chez eux, une volonté disparue.

Dilemme permanent

Il n’y a pas véritablement de confrontation entre le bien et le mal dans The Civilization Blaster. Et cette absence de manichéisme tout au long de l’histoire va souvent nous mettre en porte à faux entre des opinions divergentes ne nous permettant jamais de savoir qui a raison ou qui a tort. C’est un des éléments particulièrement réussi de la série d’animation car l’urgence permanente contraint à des décisions clivantes et mène obligatoirement à l’erreur. Il est par conséquent intéressant de voir les décisions prises par chacun des personnages dans ces conditions difficiles.

Samon vs Hakaze

La confrontation à distance dans la première partie entre Samon et Hakaze, tous deux de la même famille par ailleurs, est une parfaite illustration de cela. La famille Kusaribe est garante de l’équilibre sur Terre et cela est bien ancré en chacun d’eux. Pourtant, le chemin qu’ils choisissent pour y parvenir est complètement différent. Et c’est d’autant plus anormal que les deux soient habités par une grande sagesse. Mais malgré toutes leurs connaissances accumulées, ils sont incapables de se mettre d’accord. Alors, pourquoi de telles divergences ?

Tout simplement parce qu’ils sont dans l’inconnu. Marcher sur des terres jamais défrichées les amène irrémédiablement à devoir baser leurs actions sur des suppositions. Leur certitudes ne sont pas totales mais l’immobilisme les mèneraient inéluctablement à leur perte, rendant l’action comme seule option possible. Ainsi, ils prennent chacun un chemin différent en se basant sur leurs déductions. D’un côté, la confiance totale dans l’Arbre des Origines qui a toujours semblé protégé la famille Kusaribe et de l’autre la croyance en l’Arbre de la Destruction pour sauver ce monde. Bien sûr, au final, nous avons su que l’Arbre des Origines voulait annihiler la population pourtant choisir l’Arbre de la Destruction était très loin d’être une décision des plus faciles. Notamment parce que l’invocation des fruits de l’arbre provoquait la maladie de fer chez les êtres humains proches de ces fruits et que celle-ci leur fût mortelle. Néanmoins, entre l’extinction totale de l’humanité et celle d’une partie seulement, quel est le meilleur choix ? Samon en est bien conscient.

Samon malgré sa sagesse, n’est finalement qu’un humain comme nous autres.

Toutefois, même en allant aussi loin dans sa démarche, ce dernier ne parviendra jamais à avoir une totale certitude dans son raisonnement. La pression écrasante du poids d’une erreur hypothétique le contraint à avancer sur un fil et la moindre brise serait capable de le balayer, lui et ses idées. Cela se produit d’ailleurs lors de la confrontation entre lui, Yoshino et Mahiro où la progression absurde de la discussion le fit douter, jusqu’à en venir à se demander si la logique de l’Arbre des Origines n’était pas implacable. Hakaze finit par revenir suite à sa décision et l’Arbre des Origines n’est par conséquent pas détruit sur le moment. Celui-ci finit quand même par être détruit néanmoins la conséquence de cette décision la retarde grandement et provoque une situation beaucoup plus critique. Que se serait-il passé si Samon avait eu une confiance aveugle en ses actions ? L’histoire se serait arrêtée là. Pourtant, c’est là où Hakaze a été plus forte dans le sens où sa confiance en son projet est inébranlable. Galvanisée par les propos de Yoshino, celle-ci parvient à exposer ses idées à Samon et Mahiro d’une manière à ce que celles-ci soient inattaquables.

Yoshino vs Mahiro

La confrontation entre Yoshino et Mahiro est avec du recul assez amusante. En effet, essentiellement basée sur leur relation avec Aika, elle tourne plus de l’ordre de l’enfantillage que d’un affrontement sérieux. Malgré cela, la place de cette relation est prépondérante dans l’aventure et il est étonnant de voir à quel point elle a pu modifier le cours de l’histoire une fois que nous regardons l’œuvre dans son ensemble. Une des situations les plus représentatives est justement dans la fameuse scène de dialogue entre Mahiro, Yoshino, Hakaze et Samon dont j’ai parlé plus haut. Au moment où Yoshino évoque le nom d’Aika, tout se met étrangement à basculer. Et dans une absurdité telle qu’elle déstabilisera totalement à la fois Hakaze et Samon. Comment une histoire de fille pourrait décider du sort de la planète ? Cela semble inconcevable. Car il s’agit bien de cela, du dévoilement du nom de l’amant d’Aika sous conditions avec mise en jeu de l’humanité toute entière, tout simplement. Cette absurdité même fait également partie de l’équation mettant en doute Samon car celle-ci est tellement inattendue et tellement grossière qu’il se demande comment il pourrait vaincre l’Arbre des Origines avec des retournements de situation si improbables.

Comment une histoire de fille pourrait décider du sort de la planète ? Cela semble inconcevable.

Toutefois, ce qui est le plus intéressant dans cette confrontation se situe principalement dans l’invisibilité de celle-ci. En effet, ce n’est pas un affrontement qui va s’exprimer dans la réalité. Pourtant, de par leurs idées, la friction est non-négligeable entre les directions pris par les protagonistes. Mahiro veut par exemple venger sa sœur tandis que ce n’est pas forcément le cas de Yoshino. Il semblerait même être capable de l’exact inverse soit empêcher le meurtre de l’assassin par Mahiro. Néanmoins, le fait que Yoshino soit l’amant de Aika joue encore une fois sur l’invisibilisation de leurs différents. Il est clair que Yoshino a une certaine hauteur sur la situation et cela implique des éléments qu’il ne peut pas exposer à Mahiro. Lui dire qu’il est l’amant de Aika le discréditerait complètement aux yeux de Mahiro et entraînerait supposément une situation incontrôlable qui pourrait le mettre en danger. Par conséquent, il se garde bien d’en parler et divulgue la moindre information avec parcimonie, suivant Mahiro plus par surveillance finalement que par amitié. Du moins dans la première partie.

Yoshino et Mahiro, adversaires qui deviendront proches.

Aika

Aika Fuwa est un personnage intrigant. D’une part parce qu’elle apparaît peu et d’autre part car elle a une influence prépondérante sur l’histoire qui se déroule. Concrètement, sa mort est l’élément déclencheur de l’histoire. En effet, en sa qualité de sorcière de la Destruction, il se trouve qu’elle est responsable du destin de la planète. Ses décisions vont ainsi être primordiales pour le futur des humains et décider du sort de ceux-ci. Il est donc d’autant plus étonnant de voir que sa décision fût de se donner la mort. Du moins au premier abord.

Aika Fuwa, la clé de l’histoire.

Car si nous regardons l’histoire dans sa globalité et avec du recul, nous pouvons nous rendre compte qu’elle a en réalité placé toute sa confiance dans Mahiro et Yoshino. Ce point est réellement marquant du fait que Mahiro et Yoshino tel que Aika les avaient connus à l’époque, étaient tout de même relativement éloignés de ce qu’ils sont devenus à la fin de l’aventure. Elle a donc fait le pari d’à la fois voir la planète sauvée et nos deux protagonistes grandir, progresser pour en arriver là où finalement, elle désirait qu’ils arrivent. Et c’est là que leur développement prend tout son sens du fait que leur évolution perdure même après la fin de l’Arbre des Origines et l’annihilation du pouvoir des Hakaze. En effet, cet événement n’est finalement que le commencement et tout reste à faire dans ce monde où la paix n’est plus assurée. Symbolique de cette évolution, la fin nous montre Mahiro en train d’étudier dans le but de parvenir à ramener la tranquillité sur Terre. Cela montre son ambition nouvelle et son envie brûlante de porter sa main dans ce futur qui s’annonce instable après toutes ces épreuves auxquelles il a survécu.

Pourtant posons-nous la question. Si Aika avait continué à vivre, nos deux protagonistes auraient-ils pu évoluer autant ? Il est clair que non. Cette « tranquillité » qui aurait été amenée par les actions d’Aika les auraient conforté dans leurs voies sans rechercher une quelconque vérité. Tranquillité entre guillemets de par les guerres qui se seraient tout de même déclenchées par la suite mais ce cheminement différent de Yoshino et Mahiro les auraient tout simplement écarté de tous ces conflits et les aurait emmené à vivre en omettant cette réalité, ce qui n’aurait (peut-être) pas été négligeable dans ce rebattage des cartes du monde. Aujourd’hui, ils sont des acteurs de ce changement et ont cette volonté de vouloir modifier le cours des évènements.

Conclusion

Ma méconnaissance sur la bibliographie de Shakespeare m'empêche de complètement apprécier cette œuvre dans son ensemble de par les nombreux clins d’œil par rapport aux deux histoires citées de nombreuses fois dans l'aventure: Tempête et Hamlet. Pourtant, le principal est là. Deux romances aux destins bien différents qui vont se refléter à travers nos protagonistes. Toutefois, de tragédie à la fin il n'y eut pas et pour cause: le monde est sauvé. Oui, sauvé par deux personnes qui ont eu le seul pouvoir de se remettre en question. Sauvé par une personne qui a su croire en eux de par un amour bienveillant et raisonné. Sauvé par les étincelles qui se sont transformées en véritables flammes. Zetsuen No Tempest, c'est finalement cela, un simple feu qui parvient à devenir un véritable soleil.

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