Au moment où j’écris ces lignes, je viens juste de ressortir de cette expérience qu’est le Dernier Train pour Busan. Et franchement, quelle claque émotionnelle. Sous couvert d’un scénario tout à fait classique de film de zombie, nous nous retrouvons jetés quelque part dans le parcours initiatique d’une personne qui ignorait ce que la vie avait à lui offrir. Plongé dans le travail par facilité et fuite du réel qui l’entouraient, la zone de confort dans laquelle il subsistait ne lui permettait aucunement de se remettre en question puisque de son point de vue sa vie était une réussite. Mais les événements vont le contraindre à ouvrir les yeux sur la réalité.
Techniquement à revoir mais…
Le défaut principal du film est plutôt de l’ordre technique. Il faut dire qu’avec un budget de seulement 8,5 M€, il ne fallait pas s’attendre à la perfection de ce côté là. Le grain est lisse, les fonds verts dans les plans sont très visibles et les plans de caméra, hormis quelques rares exceptions ne vont pas révolutionner le cinéma. Dés lors que tous les défauts cités se mélangent dans la même scène, on assiste à des images qui sont parfois dignes d’une série B. Il n’y a d’ailleurs pas grand-chose pour rattraper cela car les musiques si elles sont efficaces ne sont pas marquantes et les effets spéciaux, dans la continuité du faible budget alloué, sont loin d’être inoubliables.
Heureusement que tous ces détails, aussi importants soient-ils, ne viennent pas ternir le scénario car une fois défait de tout ce bruit, l’histoire peut se mettre à briller.
… Le scénario éclipse tout
Détail amusant: en le racontant d’une certaine façon, il serait tout à fait possible de donner à ce film le cachet de n’importe quel film de zombie classique. Le point de départ est un laboratoire qui a perdu le contrôle d’un virus et qui provoque une pandémie dans le pays. Ce mal se transmet par morsure et rend ses porteurs très agressifs, ce qui va plonger le pays entier dans le chaos. Nous suivons nos protagonistes dans un quasi huis-clos (le train puis autour des gares) et ceux-ci vont évidemment mourir un à un. Tous les clichés des personnages sont présents, de la personne populaire au riche propriétaire en passant par le protecteur aux grandes valeurs. De là nous pourrions nous poser la question: qu’est ce qui différencie ce film des autres ? La réponse c’est qu’en fait… Ce n’est pas un film de zombies.
Comme dit au début, l’histoire est en fait basé sur la remise en question d’un homme par rapport à sa vie. Jusque là, la vie de Seok-Woo était une forme de routine où il se complaisait et rien ne venait ébranler cette bulle. Même s’il est ironique que le mal provienne d’une entreprise qu’il avait sauvé en truquant les cours, le vrai déclic proviendra de sa fille Su-An (qui joue excellemment bien par ailleurs) dont il reconnaîtra l’existence et l’importance au fil de son évolution.
Ce n’est pas un film de zombies.
En effet, elle n’est pour lui qu’un à côté qu’il faut regarder de temps en temps, une pierre précieuse qu’il suffirait de lustrer pour qu’elle puisse briller. Et en soi, ce n’est pas forcément une mauvaise chose car il lui accorde tout de même une certaine valeur. Pourtant celle-ci n’est significativement pas à la hauteur de ce qu’il réalise pour son travail et cela créera ce déséquilibre dans sa vie et ce sentiment d’abandon chez sa fille. Sa fille qui va tout faire pour combler ce vide avec sa mère mais un parent seul ne peut pas forcément totalement remédier à ce mal qui grandit en elle et qui développe chez elle des caractères comme le manque de confiance en soi.
Su-An, la lumière
Su-An est en fait le prisme qui va refléter à Seok-Woo la réalité du monde à travers ses interactions aux autres personnes notamment le couple Seong-kyeong / Sang-hwa qui va réellement montrer à notre protagoniste la valeur humaine. Si au début, le père n’écoutera pas sa fille et sera guidé par son individualisme forcené, les nombreux dialogues avec sa fille, ce qu’il n’avait, je suppose, jamais eu le temps d’avoir auparavant, vont lui permettre de comprendre son point de vue et de finir par épouser ses idées, poussé également par les morts successives de ceux qui sont autour de lui et surtout de Sang-hwa, mari de la femme enceinte, avec qui il commencera de bien mauvaise manière mais avec qui il finira par créer un vrai lien. Relation qui sera stoppée par sa mort et dont Seok-Woo s’excusera, action pourtant impensable au début.
Lorsque Seok-Woo finit par se faire mordre, ironiquement encore par la personne qui lui ressemblait le plus au début, il finit d’achever sa transformation en véritable père de famille par le sacrifice de sa propre personne. Et cette scène est très riche en émotions car jusque-là, nous avions assisté à une véritable rédemption de la part du protagoniste et nous aurions pu espérer qu’il puisse en profiter avec sa fille, et potentiellement son ex-femme. Pourtant, l’histoire en a décidé autrement. Mais en réalité, pouvait-il en être autrement ? Ce sacrifice est ce qui va définitivement compléter son œuvre et la rendre à la fois belle et triste. L’espace d’un instant, il devient le père qu’il voulait être pour sa fille et donne sa confiance à la personne qui l’accompagne pour la protéger. Il parvient ainsi à léguer sa volonté et continuera toujours d’exister comme un exemple dans les pensées de ces personnes.
Conclusion
Le Dernier Train Pour Busan, c’est une expérience que je ne peux conseiller à tout le monde. Si vous êtes un maniaque de la technique, vous devriez passer votre chemin car ce n’est pas ce que vous trouverez ici. Par contre, si vous parvenez à aller au delà de tout cela, vous pourrez voir au dessus de la cime que ce film offre l’histoire d’une personne, hors du réel, qui au contact de sa fille va redescendre sur Terre et retrouver sa véritable nature de père.