Définition
L’étalonnage ou color-grading est une étape de postproduction, qui consiste à harmoniser les couleurs et la luminosité sur l’ensemble des images qui composent le film ou la photo.
Le color-grading, c’est quelque chose qui m’intéresse énormément car cela permet de donner à une scène une couleur et une émotion. Le but est souvent d’exacerber, de mettre en valeurs les couleurs pour pouvoir les exprimer et les rendre visibles. Toutefois, il y a des démarches artistiques qui peuvent amener à l’inverse, comme la désaturation de l’image ou carrément le passage en noir et blanc. Mais tout ceci a toujours pour but d’émouvoir dans un sens bien précis et c’est tout là la difficulté et la beauté de cet art qui est réellement une sublimation de l’image. Pour vous dire à quel point cela est important, il faut comprendre que le color-grading est capable de complètement modifier l’ambiance d’une scène, jusqu’à pouvoir faire dire son contraire.
Ce qui m’a donné envie d’écrire sur ce sujet, c’est un animé. Bizarre de parler d’un animé alors que le color-grading est plutôt propre aux œuvres filmiques. Les animés d’habitude peuvent être beaux, très bien animés, voire être un véritable travail d’orfèvre, néanmoins la couleur n’est pas forcément l’élément dont on va se souvenir. Un animé ou un film d’animation et un film en prise de vue réelle sont bien différents et cet aspect là est souvent une des choses qui les différencie. Même un film de Hayao Miyazaki ne me marque pas par son travail sur la couleur même si évidemment il y a un travail sur le color-grading. Néanmoins, celui-ci est plus dans une douceur, une chaleur qui ne veut pas se faire remarquer. C’est doux, c’est réconfortant, mais ce n’est pas remarquable au premier coup d’œil à moins d’y faire attention. Et ce n’est pas un défaut en soi, car justement le spectateur plonge dans cette douceur réconfortante sans obligatoirement remarquer que les couleurs ont été choisies pour cette direction artistique. L’œuvre est très belle mais, de mon point de vue, ce n’est pas le color-grading qui ressort le plus. Pour ressortir, il faut que celui-ci soit réellement plus vivace, qu’il soit visible instantanément, qu’il soit vraiment là pour prendre de la place dans la mise en scène et donc qu’il ait tout simplement un message à nous faire passer.
Certaines œuvres d’animation ont un color-grading plus remarquable que d’autres, allant chercher à attirer l’œil du spectateur. Summer Wars, par exemple, différencie ainsi le monde réel du monde virtuel.
Pour citer d’autres oeuvres, je peux parler de Perfect Blue et des œuvres de Satoshi Kon en général où il y a ce travail cinématographique. D’ailleurs ce sont des films ayant inspiré de nombreux autres films, et notamment en prise de vue réelle. Je citerais également Makoto Shinkai avec souvent des jeux dans les reflets, les lumières et forcément les couleurs utilisées. Bref, des artistes qui utilisent le color-grading, non pas seulement pour que l’image soit belle, et c’est même parfois le contraire, mais aussi pour transmettre réellement un message au travers des couleurs employées.
JUJUTSU KAISEN
Tout cela pour dire que l’animé en question, c’est Jujutsu Kaisen.
Jujutsu Kaisen est un animé réalisé par le studio japonais nommé Mappa. Il se trouve que j’avais beaucoup aimé la première saison qui brillait par la qualité de son animation mais la deuxième saison passe clairement un pallier en s’emparant justement du plan cinématographique. Il y a réellement cette volonté de mise en scène pour donner de l’importance, pas seulement au travers des combats d’ailleurs mais les dialogues importants, les pauses, les transitions, tout a été travaillé pour une direction artistique qui est plus proche d’un film. Il faut donc saluer le travail des animateurs qui non seulement animent remarquablement bien mais réfléchissent aussi au montage et à la mise en scène et cela a vraiment toute son importance car c’est ce qui va donner le dynamisme et l’intensité durant tout un épisode.
On parle de « key animator » ou animateur clé qui ont donc un rôle crucial dans l’animation car c’est eux qui vont dessiner les principales « frames ». Beaucoup sont connus d’ailleurs car c’est réellement un travail d’artiste et il faut un talent certain pour faire ce travail. Allez, je vous donne quelques noms dans le milieu, Arifumi Imai (Kenny vs Rivaille dans AoT), Yutaka Nakamura (Kekkai Sensen ep1), Sou Yamazaki (Jujutsu Kaisen).
Kenny vs Rivaille par Arifumi Imai
Mais ce n’est pas seulement cette dualité que nous pouvons voir. Il y a aussi la mise en avant de couleurs pour donner de l’impact à une scène ou pour exacerber l’émotion ressentie.
Feu.
Dans les parties avec Sukuna, nous avons par exemple, réellement une sensation de chaleur qui se dégage de l’image. Le feu et tout ce qui est Illuminé par celle-ci est travaillé pour transmettre cette incandescence au spectateur.
Jujutsu Kaisen n’est sûrement pas la première œuvre à utiliser des techniques empruntées au cinéma pour pouvoir sublimer son art. Toutefois, cette prise en compte et ce respect finalement donnent un cachet assez unique à l’œuvre. Et je ne parle pas ici que du color-grading mais également de la mise en scène, du découpage, des VFX, des musiques et évidemment de l’animation en elle-même. Rien n’a été laissé au hasard et tout est fait pour que l’art se sublime et transcende son média.
C’est dommage que les pressions financières dégradent la vision artistique de l’œuvre, mais ce n’est pas le propos ici. Je salue encore le travail incroyable des animateurs qui sont réellement le cœur de ce qu’est la série Jujutsu Kaisen.
Pour en revenir au color-grading, c’est un processus qui a souvent une importance capitale dans le traitement de l’image. Et que cela soit une photo ou une vidéo. Il faut qu’il y ait une cohérence pour transmettre une ambiance tout au long du moment où nous observons de nos yeux une œuvre. Il faut qu’il y ait du relief et donc du contraste pour que la scène soit remarquable tout en parvenant à rendre plausible la scène au spectateur. C’est tout un art au service du beau et c’est un détail qui permet à une œuvre de toucher au sublime.